La B.R.I, un groupe communiste autonome de la Résistance (1)


Histoire populaire / vendredi, juin 20th, 2014

« la Brigade Rouge Internationale […] fut constituée par un certain Hardy, agent de l’ennemi, qui avait réussi à s’infiltrer dans la compagnie 93-15 […] Se lançant à fond dans la provocation, Hardy multiplia les actions de brigandage, destinées à dresser la masse de la population contre la Résistance »

C’est en ces termes absurdes et faux que les anciens responsables FTP relatent l’existence de la B.R.I en 1946. Il faut attendre 2007 et la parution du livre « La B.R.I du commandant Amiot » de Robert Amoudruz pour obtenir un éclairage véritable sur ce que fut le groupe de partisans communistes autonomes de Haute-Savoie.

La Brigade Rouge Internationale fut un groupe de résistants constitués à la fin juin 1944 par un petit noyau de militants communistes de la moyenne vallée de l’Arve.

Léopold Martin

Dirigé par Léopold Martin, un artisan réparateur de vélo né en 1898  à Bonneville, le noyau historique du groupe se composait également

  • August Paclet (et de ses frères), un ouvrier de l’usine du Giffre devenu Cheminot, né en 1891,
  • Léon Gay, un paysan né en 1906 à Contamine-sur-Arve et ancien secrétaire du groupe communiste d’Annecy accompagné de Maurice Boissy (jeune ouvrier lyonnais)
  • Désiré Souffay, un électricien né en 1885 en Bretagne venu faire sa retraire à Bonneville à la fin des années 1930.

Tous avaient connu les horreurs de la Première guerre mondiale et se revendiquaient du pacifisme et l’anti-militarisme. Sans être tous adhérents au Parti Communiste, ils évoluaient clairement dans son sillage, à la faveur des luttes antifascistes dures des années 1930 et de l’espoir d’une révolution socialiste comme en Union Soviétique.

August Paclet fut ainsi arrêté puis tabassé par la police en 1938 alors qu’il collait des affiches antifascistes à Marignier.

L’usine du Giffre à Marignier

Dans la pagaille et la désorganisation politique de l’année 1941, ils avaient commencé la Résistance dans les premiers mouvements civiles, comme « Combat » fondé à Bonneville dès l’hiver 1941 par Léopold Martin et l’universitaire républicain et anti-franquiste, Francisque Granotier.

Le 21 août 1941 s’affirme par le lancement officiel de la guérilla communiste de libération nationale avec l’assassinat, en plein Paris, d’un militaire allemand par Pierre Georges (dit « colonel Fabien »).

Mais la Haute-Savoie était encore dans la confusion du régime de Vichy (zone sud) et la faiblesse locale du Parti Communiste ne pouvait encore rien lancer.

>> Voir aussi : naissance et vie de la Fédération communiste de Haute-Savoie

C’est à partir de 1943 que tout s’accélère pour les futurs membres de la B.R.I. La zone sud « libre » est envahie par les Allemands. En Haute-Savoie, ce sont les fascistes italiens qui occupent le territoire dès janvier 1943, occupation qui s’ajoute à la mise en place du Service du Travail Obligatoire.

La Résistance savoyarde se renforca avec l’occupation italienne et l’arrivée massive de jeunes ouvriers réfractaires (jusqu’à 5 000 en Haute-Savoie).

Au même moment, Jean Valette d’Osia, un militaire nationaliste du 27e Bataillon des Chasseurs Alpins (B.C.A), bascule dans la Résistance. A partir des Mouvements Unis de la Résistance (M.U.R), il fonde en 1943 l’Armée Secrète dirigée par des militaires plutôt proches de l’idéologie d’extrême droite.

Face à ces prétentions hégémoniques de l’ex 27e BCA tout autant qu’à son attentisme, le mouvement FTP se développe dès le printemps 1943 en assumant la guérilla populaire. Léopold Martin rejoint le mouvement à l’été.

Tout comme les partisans Léon Gay et Maurice Boissy qui détruisent les pylônes de communication électrique du côté de Peillonnex, Léopold Martin et les frères Paclet occupent un maquis au-dessus de Scionzier et pratiquent le sabotage de transformateurs électriques (mettant à mal les usines de décolletage orientées vers l’effort de guerre allemand).

>> Voir aussi : Gloire à Léon Gay ! Les héros du peuple ne meurent jamais !

Sans armes et sans ressources, ces maquis FTP attaquent les gendarmes de Vichy pour s’armer et liquider des collaborateurs. Aidés par les compagnies sédentaires (vivant en légalité dans la population), les maquis FTP organisent également des prélèvements sur des paysans.

Le combat sans issues des Glières en mars 1944 auquel participe Léopold Martin lui confirme l’incompétence militaire des chefs de l’Armée Secrète.

D’ailleurs, Léopold Martin retrouvera un des chefs A.S à Chambéry en septembre 1944 et lui demanda violemment des comptes.

Cette incompétence militaire se doublait pour Martin et les siens d’une méfiance politique vis-à-vis de nationalistes tentant des néogications sur le dos des communistes avec les forces de Vichy. C’est dans une des ces détestables négociations que fut tué Tom Morel à Petit-Bornand.

>> Voir aussi : la bataille des Glières, un héritage de la droite souverainiste

À partir de là, pour Léopold Martin, il est clair qu’il faut dresser une ligne de démarcation nette avec la direction de l’AS et toute prétention à rétablir la domination de la bourgeoisie à la libération.

Il s’en tient ici à la ligne officielle du fondateur des FTP, Charles Tillon, qu’il interprète comme une combinaison stratégique d’une libération nationale puis d’une insurrection sociale.

Mais, bien que sous direction du Parti Communiste, la majorité des FTP est plutôt de gauche et bien loin d’un tel projet  révolutionnaire.

Citons là deux anecdotes à ce propos.

Léopold Martin se brouillera avec une compagnie FTP d’Evires dont le chef lui reprochait les drapeaux rouges à l’avant de sa voiture, minant selon lui l’unité de la Résistance.

Guy Sicilia qui a rejoint la BRI en juillet 1944 à la suite d’une embrouille avec le chef de la compagnie 93-21, Cyril Lazare, à propos d’insignes communistes brodées sur une de ses manches.

Compagnie FTP de Cyril Lazare

En effet, les dirigeants communistes acceptaient le compromis  en fusionnant dans un commandement politique et miliaire unique (F.F.I et C.N.R).

Pour la future B.R.I, ce n’est pas tant l’unité d’action militiaire qui était reproché mais plutôt le manque d’autonomie politique en vue de l’établissement du nouveau régime après la libération.

Cette méfiance envers les nationalistes se doublait ainsi d’une défiance envers les chefs FTP locaux, comme le commandant Augagneur (né à Ville-la-Grand devenu patron de taxis à Paris) ou Cyril Lazare, chef d’une compagnie FTP proche de la BRI, un bourgeois venu de Paris.

Fin juin 1944, le noyau dur autour de Martin prend la décision de former à Saint-Jean-de-Tholome un groupe de résistance autonome politiquement mais suivant toujours les consignes militaires de l’état-major FTP.

La B.R.I, Brigade Rouge Internationale, en référence aux partisans anti-nazis yougoslaves et aux anti-franquistes espagnoles, va participer à la libération des pays de Savoie.

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