Mai 68 n’a pas été qu’un mouvement étudiant limité aux grandes villes universitaires. Se prolongeant jusqu’à a mi-juin. il fut aussi un mouvement ouvrier, et cela fut surtout cela en vallée de l’arve en l’absence d’universités.
D’Annemase jusqu’à Passy, de nombreuses usines se sont mis en grève entre le 20 et le 10 juin 1968, comme par-exemple les ouvriers d’Aspro-Nicholas à Annemasse, de Dynastar à Sallanches, de Socapex à Cluses, de l’usine électro-chimique du Giffre, etc.
Mais l’intensité du mouvement ouvrier s’est bien sûr fixée dans son coeur historique, l’usine de Chedde.
Dès le 13 mai 1968, un important meeting eu lieu sur le parking de l’usine, rassembla de nombreuses catégories d’ouvriers du coin (sanatorium du plateau d’Assy, communaux, EDF, cheminots, enseignants, etc.). Ce meeting répondait à l’appel à la grève générale lancée par les organisations syndicales à la suite de la répression policière brutale des étudiants parisiens le 6 mai.

L’occupation fut votée pour le 20 mai et se prolongea jusqu’au 10 juin. Elle rejoignait ainsi quelques autres usines occupées du département, comme NTN-SNR à Annecy ou Aspro-Nicholas à Annemasse.
Guy Ancey, leader CGT et militant communiste de cette époque, se souvient de cela comme des « trois mois de glorieux espoirs ».
L’occupation de l’usine fut l’occasion de défier la direction de l’usine qui dominait et humiliait depuis trop longtemps.
Ce fut l’occasion de voir le syndicat reconnu mais aussi de sortir de la monotonie de la vie quotidienne. Les ouvriers jouaient au carte à l’intérieur de l’usine occupée… Le samedi 25 mai a lieu un bal festif avec une grande affluence « malgré la pluie qui contrarie un peu la fête ».

De la même manière, les petits chefs qui se montraient si arrogants au travail furent interdits d’accès de l’usine tout comme les non-grévistes.
Le rapport de force se faisait durement sentir. Des ouvriers effectuaient des gardes de nuit, souvent munis de manche de pioche, afin de protéger l’occupation d’attaques par des provocateurs (comme le samedi 1er juin où une voiture avait foncé, ves 22h30, sur un ouvrier sur le parking de l’usine).
L’idée de contrôle de la production par la base était forte en ces années là, y compris jusqu’à Chedde et dans l’ensemble de ce groupe industriel détenu à l’époque par le monopole d’État « Péchiney ».
En effet, si les productions dangereuses à base de chlorate furent arrêtées, l’atelier d’aluminium continua à tourner sans la présence du patron et de l’encadrement.
Un contributeur de « Arve à Gauche » qui connaissait Guy Ancey avait recueilli sa vision des choses sur cette époque. Ses propos nous semble d’une grande leçon :
« En 1968, le capitalisme a très bien compris que des grands groupes comme Billancourt Renault… à l’époque on disait « quand Renault toussait, la France s’enrhumait ». Dans le département, tu l’a peut-être lu dans mon livre : « Quand Chedde toussait tout le département s’enrhumait ». C’est vrai. Ils ont compris… le capitalisme, diviser pour mieux régner… Ce qu’on a perdu, ce qu’on a appris nous les anciens, c’est la bataille des idées »

Aujourd’hui l’usine compte moins de 200 salariés et appartient à un groupe allemand (SGL Carbon). Loin du mouvement ouvrier, elle attire surtout les projecteurs à cause de la pollution de l’air (Benzo(a)pyrene) qu’elle occasionne.
On peut et on doit conserver du mouvement de mai-juin 68 à Chedde, et dans la vallée en général, cette idée de ne pas rester résigner face aux difficultés de la vie, que l’on peut résister et s’émanciper collectivement.
L’émancipation collective, n’est-ce pas là d’ailleurs ce dont nous avons besoin aujourd’hui dans une vallée où la monotonie et l’ennui règne, le travail pénible des usines de décolletage perdure, tout cela sur fond de pollution de l’air ?
[…] Le but de cette politique est évidemment à vocation politique et idéoligique : contrôler l’esprit des travailleurs pour la paix sociale. Cela n’empêchera bien évidemment pas l’émergence d’un mouvement ouvrier, culminant en mai-juin 1968. […]
[…] en effet en mai-juin 1968 que le mouvement ouvrier atteind son apogée à Chedde.C’est de cet élan qu’Albert […]
[…] >> Voir aussi : mai-juin 68 à Chedde […]