Après un mois de mobilisation des Gilets jaunes dans la vallée de l’Arve, où est en le mouvement ?

Des blocages épisodiques ont continué sur le viaduc des Egratz mais aussi à Chamonix. On trouve encore des occupations de ronds-points à Scionzier, à Passy, à Bonne ; il y a parfois des opérations de péages gratuis à Bonneville, à Nangy….
Pourtant, au plan des idées la situation est identitique avec un mouvement qui s’enfonce toujours plus dans une spirale négative. Les couches indépendantes (non salariées) marquent fortement de leurs empreintes le mouvement.
Cet aspect social recoupe une récente enquête sociologique qui a démontré que les « artisans, commerçants et chefs d’entreprises » représentaient 14 % des actifs présents dans le mouvement (contre 6 % dans la population active du pays).
Par conséquent, le refus des taxes reste l’horizon commun, comme en atteste le blocage du centre des impôts à Sallanches. Cela est une revendication typique des couches indépendantes qui se sentent écrasées par « les charges ».
Les « Macron Demission » relèvent bien plus de la colère du samedi soir que d’une dynamique révolutionnaire. Pour cela il faudrait que la composante ouvrière du mouvement formule un autre projet de société avec des comités populaires. Malheureusement, la domination idéologique des indépendants est trop forte et les perspectives restent marquées par des apparences radicales mais un conformisme bien réel.

Ainsi au lendemain de la répression par le PSIG du blocage au viaduc des Egratz, Steven Lebee, un des initiateurs du mouvement sur le viaduc, se retrouve dans le bureau du sénateur Loïc Hervé en compagnie d’autres figures locales du mouvement.
En réalité, le mouvement des Gilets jaunes n’a jamais réussi à dépasser cette mentalité républicaine des « doléances » malgré les attitudes radicales.
A ce titre, la mise en avant du « référendum d’initiative citoyenne » n’est que l’expression de la partie la plus radicale d’un mouvement qui n’a comme seul horizon la conquête d’un « espace démocratique » à l’intérieur du capitalisme lui-même.

Le refus de remettre en cause le capitalisme montre bien que les Gilets jaunes sont portés par des indépendants non salariés qui nourrissent l’espoir de s’ « exprimer » contre les gros monopoles pour mieux conserveur leur position économique.
Il ne faudrait pas oublier la complaisance d’entreprises comme Super U à Passy qui a fournit des denrées gratuitement, « Arves Alpes Assainissement » qui prête gracieusement des sanitaires à Scionzier, les marques de soutien des entreprises locales du BTP, ou encore l’entreprise de poids-lourds « Les transports du Léman qui « lançait » dès le lundi 29 octobre le mouvement dans le département.

C’est là tout le sens de la mise en avant de symboles étrangers au mouvement ouvrier. Il n’y a en effet aucune référence au statut de travailleur, aucun symbole critiquant l’exploitation et l’aliénation salariée.
C’est dans la même veine que les Gilets jaunes de Passy refusent tout blocage de l’économie mais revendiquent une filiation avec Mai 68, marqué pourtant par plus d’un mois de grève, avec un pic de 10 millions de grévistes le 22 mai 1968. Au-delà des apparences, le mouvement des Gilets jaunes n’a pas grand chose à voir avec Mai 68 qui s’orientait vers un projet de société clair (socialisme) et une stratégie précise (la lutte des classes).

Cette orientation politique est la confirmation que le terreau idéologique, tout autant que culturel, des Gilets jaunes est clairement propice à une dynamique nationaliste en négation de la lutte des classes.

Au final, en dehors de la mise en avant objective de la pauvreté sociale et culturelle du mode de vie périurbain, ce mouvement ne sera jamais parvenu à provoquer des débats profonds sur un projet d’émancipation social. Au plan des idées et des valeurs, ce mouvement n’aura fait que renforcer la posture du « gueulard » individualiste et, à terme, permis une relance de l’extrême droite.