Le rattachement de la Savoie à la Première République française (1792)


Histoire populaire / vendredi, juillet 19th, 2019

Bien que réduites, les idées révolutionnaires se diffusent grâce à l’émigration paysanne en Suisse et en France mais aussi, et surtout, via l’essor de la bourgeoisie lettrée maîtrisant la gestion de l’État avec une nouvelle vision du monde fondée sur la Raison.

Une femme Sans-culotte, c’est-à-dire au pantalon rayé symbole anti-aristocrate.

L’expression du courant révolutionnaire en Savoie repose sur des bases contradictoires.

Il est à la fois fort du fait qu’il s’inscrit dans une dynamique historique nécessaire, avec des points d’appuis en Suisse voisine, mais d’un autre côté, il est faible car porté  par des couches sociales quelque peu isolées du reste d’une paysannerie, alors majoritaire.

Le bloc révolutionnaire en Savoie se présentent comme une alliance entre les travailleurs émigrés, au contact d’une classe ouvrière en formation dans les villes, et une partie de la bourgeoisie lettrée qui cultive des formes particulières de sociabilités (ésotérisme, relations libertines, etc.).

Ce bloc populaire est relativement éloignée du vécu paysan local. De plus, les révolutionnaires ne peuvent pas compter sur une modernité industrielle comme base matérielle à la diffusion des idées rationnalistes de l’époque.

L’horlogerie, née au début du XVIIIe siècle aux alentours du bassin de Cluses, fournit un travail momentané et irrégulier à quelques paysans. Il n’y a donc pas clairement des ouvriers qui ont un rapport à une production complexe, et susceptibles de soutenir des idées fondées sur la science et la technique.

Malgré ses contradictions, ce courant révolutionnaire savoyard va former un point d’appui politique et idéologique déterminant lors de la naissance de la Première République.

Née de l’offensive des Sans-Culottes en août 1792, la Première République est fondée le 21 septembre.

Essai de Graccus Babeuf, avec pour sous-titre « le but de la société est le bonheur commun ». (1795)

Mouvement populaire composés d’artisans, de petits boutiquiers, d’ouvriers et de paysans, les Sans-culottes sont partagés entre l’idéal du contrat social de Jean-Jacques Rousseau et la « mise en commun des biens » de Graccus Babeuf, sorte d’égalitarisme

Mais du fait de leur composition sociale (petits propriétaires), les Sans-culottes sont dans l’incapacité de générer une organisation politique autonome de la classe dominante.

Ils sont ainsi les alliés de la frange radicale de la bourgeoisie représentée par Robespierre, issu du groupe politique « La Montagne ». Ce groupe est soucieux du respect de la propriété privée mais défenseur d’une République démocratique.

Cette alliance de classe va être au fondement de la résistance militaire anti-monarchique et des réformes progressistes (calendrier athée, suffrage masculin, destitution du Clergé…).

Dès le 21 septembre 1792, les révolutionnaires français lancent l’offensive militaire en Savoie, convaincus de la faiblesse du royaume de Piémont-Sardaigne et de la vivacité de la culture française, présente depuis le XVIe siècle.

Avec un rapport des forces favorable, le général français Montesquiou conquiert la Savoie sans tirer le moindre coup de feu ; et l’armée Sarde reflue dans les cols limitrophes à ce qui deviendra l’Italie.

« Le génie des Français apporte des nouvelles »...

Dans la population savoyarde, l’impression d’avoir été abandonnée par la royauté sarde renforce le sentiment de défiance.

De plus, avec la tactique de « Guerre aux tyrans, Paix aux chaumières », Montesquiou gagne la confiance des savoyards qui l’accueille en libérateur, malgré la pointe d’arrogance française :

« En respectant vos personnes, vos demeures, vos propriétés ; en vous offrant son amitié, le peuple français veut vous faire partager avec lui le bien le plus cher à l’homme…la Liberté »

Les alliés savoyards de la Première République (bourgeois cultivés et travailleurs émigrés) reviennent en Savoie pour y fêter la victoire et y accueillir les révolutionnaires.

Des clubs révolutionnaires sont créés dans plusieurs villes de la région, à l’image des sociétés parisiennes. Les villes sont renommées comme pour signifier le début d’une nouvelle ère. Bonneville devient ainsi «Le Mont-Môle».

Les 14 et 16 octobre 1792 est organisé une grande consultation publique afin d’élire un député à l’assemblée régionale afin de sceller l’avenir de la Savoie : former une République sœur ou bien se rattacher purement à la France.

Le département « Mont-Blanc » sous la Première République (1792)

Dans cet avènement d’un nouvel ordre de justice sociale et politique, la bourgeoisie cultivée pèse de tout son poids en aveur d’un rattachement à la Première République.

Bien sûr, le terrain politique était favorable à ce rattachement avec des communautés paysannes affranchies des seigneurs et cultivant une défiance à l’égard de la royauté Sarde.

Présidée par l’avocat de Bonneville, François Décret, et le lieutenant-colonnel de la Légion des Allobroges, Amédée Doppet, l’Assemblée des Allobroges siège à Chambéry fin novembre 1792.

Elle abolit les vestiges de l’ancien régime, comme par exemple la fin des privilèges de la noblesse et la suppression des impôts féodaux (gabelles).

Dans le sillage de la modernisation des « despotes éclairés » Sardes au XVIIIe siècle, ces réformes anti-féodales viennent en quelque sorte « terminer » le travail démocratique.

Fin novembre 1792, la Savoie devient le département du Mont-Blanc, 84e département « provisoire » de France.

Cependant, dans toute Révolution, il y a un danger qui guette : celui d’une trop grande ferveur des révolutionnaires qui en oublient alors la réalité sociale dans laquelle ils évoluent.

Dans la Savoie de 1792-1793, ce tropisme révolutionnaire aboutit à mal calibrer des interventions politiques, notamment par rapport à la religion catholique et son relais institutionnel, l’Église.

Des contradictions sociales et culturelles vont être aiguisées, bien trop tôt et bien trop rapidement, laissant le champ libre à la Contre-révolution.

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