Sallanches et le 11 novembre 1918 : commémorer la paix ou une victoire ?


Histoire populaire / lundi, novembre 11th, 2019

La Première Guerre mondiale qui s’est déroulée entre août 1914 et novembre 1918 a sans aucun doute été l’un des plus terribles carnages humains. Elle a fait s’entre-tuer 10 millions d’hommes appartenant à des peuples stimulés par le nationalisme.

Chacun connaît la sentence d’Anatole France : « on croit mourir pour la patrie, mais on meurt pour les industriels ». De la même manière, l’intellectuel Henri Barbusse croyait voir dans le second empire allemand les vestiges d’un militarisme à abattre. Il comprit vite cette supercherie qui masquait l’intérêt des grands industriels. Son ouvrage Le Feu, publié sous la forme de feuilletons en 1916 et relatant l’enfer de la vie quotidienne du soldat, fut d’ailleurs un best-seller.

En effet, derrière cette boucherie, il fut surtout question d’un repartage du monde. La course aux colonies entamée depuis le XIXe siècle n’avait-elle pas vu se construire les deux immenses empires coloniaux français et britanniques au détriment de l’Allemagne ?

Alors peut-on faire comme la mairie de Sallanches et parler de « victoire de 1918 » ? De quelle victoire parle la mairie de Sallanches ?

Y a t-il une seule victoire à fêter lorsque 1, 9 millions français et 2, 5 millions d’allemands se sont entre-déchirés ? Lorsque 8 millions de personnes sont devenues invalides ? Alors que 14 millions d’animaux furent utilisés à mort ? Alors qu’il y a eu 12 millions de réfugiés ? Alors que cela a favorisé les génocides arménien et assyrien ? Alors que cela permis l’enrichissement révoltant des monopoles capitalistes, au mépris des femmes et de la Nature ?

>> Voir aussi : De la nécessité de s’opposer à la guerre

S’il y a une leçon à commémorer c’est le « Plus jamais ça ! ». La mémoire populaire exige la célébration de l’amitié fraternelle entre les peuples et non pas la valorisation, aussi minime soit-elle, d’un quelconque patriotisme.

Le 11 novembre 1918 n’est pas une victoire nationale mais l’armistice. Cette armistice ne fut rien de moins que le rétablissement de la civilisation mondiale, brutalement effondrée quatre ans plus tôt. Un rétablissement initié en Russie grâce à la révolution bolchevique d’octobre 1917.

Car finalement, s’il y a une seule victoire à célébrer, c’est celle du renforcement d’une conscience démocratique pour la paix et la liberté.

Car n’est-ce pas de l’enfer des tranchées, du mépris des officiers pour le peuple, qu’est née la culture antifasciste pavant la voie au Front populaire en 1934-1936 ? N’est-ce pas Henri Barbusse qui deviendra le chantre de cette génération en tant qu’initiateur du « Mouvement Amsterdam-Pleyel » en 1933 ?

Alors que notre époque voit la menace d’une Guerre se renforcer du fait de la même configuration qu’avant 1914, n’y a t-il pas lieu de célébrer haut et fort le pacifisme et l’internationalisme ?

Ces tensions guerrières sont visibles avec les tensions entre grandes puissances, notamment dans l’Arctique ou le Golfe Iranien ; ce sont les volontés d’expansion de puissances régionales comme l’Inde au Cachemire, de la Turquie au Kurdistan, ou l’annexion de la Crimée par la Russie de Poutine.

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En France, c’est le retour du Service National Universel, l’augmentation des crédits militaires, ou encore la candidature d’une quinzaine de militaires aux élections municipales, rendue possible par la loi de programmation militaire de 2018.

Tant pour le respect des millions de morts dans un conflit impopulaire et injuste, que pour les actuelles menaces de guerre, la municipalité de Sallanches bafoue la mémoire populaire portée vers le pacifisme.

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