Doit-on encore skier ?


Culture, Ecologie / mardi, février 18th, 2020

Cet hiver est marqué par des températures très douces et par un très faible enneigement. A l’horizon 2050, 52 des 147 stations des Alpes n’auront plus un enneigement fiable, c’est-à-dire 30 cm cumulés sur au moins 100 jours et 7 hivers sur 10.

Les stations de ski repoussent ces effets du réchauffement climatique avec plus de canons à neige ou des stockages de neige pendant l’été. Mais lorsque les températures sont si douces comme cet hiver, l’ « or blanc » doit carrément être importé par camions ou hélicoptère. Tout cela est évidemment absurde et anti-écologique.

La station de ski du Reposoir, en février 2020

Il faut d’abord remarquer que le réchauffement climatique nous amène à nous poser forcément d’autres questions : quel est l’impact de ce loisir de masse sur la faune et la flore et la vie animale sauvage ?

On sait que la sur-fréquentation des massifs montagneux, qui sont très fragiles, est intenable. Il y a la pollution sonore : canons à neige, ambiances « boîte de nuit » sur les pistes, remontées mécaniques, milliers de skieurs. Pour de nombreux animaux, c’est là un grand facteur de stress.

Il y a également le façonnement des pistes. Une piste n’est jamais un terrain naturel, mais résulte d’un travaux de terrassement délétère. A cela s’ajoute les dégâts que peuvent engendrer le ski « hors pistes », notamment pour les animaux qui hibernent.

Camions à neige à Passy Plaine-Joux, en décembre 2016

On se dit alors : tout cela en plus du réchauffement climatique devrait nous obliger à arrêter le ski. Peut-être. Mais il ne s’agit pas non plus d’écarter d’un revers de main un sujet aussi complexe en décrétant la nécessité d’un arrêt pur et simple de la pratique. Le ski, comme de nombreux autre sport, relève d’un rapport à la nature et a engendré toute une culture, qu’on ne peut pas nier

Alors, le problème est-il le ski en lui-même, ou la sur-fréquentation des massifs ? Il y a trop de skieurs pour des espaces trop peu sanctuarisés. Nous pensons que ce rapport doit être inversé : il faut moins, beaucoup moins de skieurs, et plus, beaucoup plus de réserves naturelles qui soient de vrais havres de paix et de repos pour les animaux et les végétaux.

D’autre part, il faut dénoncer le style consommateur égoïste produit par la domination capitaliste du secteur touristique. Le « ski marchandise » lié à des remontées mécaniques sur des massifs toujours plus vastes, le tout dans une ambiance « party », doit s’arrêter.

Si le ski devait se maintenir comme loisir et comme sport, cela devrait forcément être rattaché aux réalités locales, tant culturelles que naturelles. Tout comme le surf est rattaché aux vagues de l’océan, le ski est lié aux montagnes enneigées. C’est le premier point pour alléger la sur-fréquentation. On ne peut plus accepter un ski consommateur, cosmopolite, sans un rapport concret et bienveillant à la montagne.

Importation de la neige par hélicoptères à Flaine, décembre 2015 © Valentin Simon photographie

Si on y réfléchit de près, cela induit presque forcément le démantèlement des remontées mécaniques et de toutes ces infrastructures massives, à commencer par les canons à neige, évidemment.

Cela ne laisserait donc de la place que pour du ski de fond sur quelques pistes dédiées pour le sport, ainsi que du ski de randonnée… dans la mesure où il se pratiquerait dans des itinéraires balisés et contrôlés par des naturalistes et des scientifiques validant ou non l’ouverture de période (en fonction de l’état des écosystèmes et de la vie végétale et animale).

Alors peut-on continuer à skier quand cela fait partie de notre culture, parfois depuis plusieurs générations ? S’il faut le faire, c’est à condition de ne pas laisser libre court aux pulsions individuelles et superficielles et en bâtissant une société encadrée par une stricte planification des itinéraires saisonniers et protégeant de vastes sanctuaires naturels d’altitude.

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