Au mois de novembre, le RN annonçait six candidatures dans la vallée. Finalement il y aura que trois. Il y a donc Christian Pernin pour la liste « Rassemblement Sallanches », Karl Aoun pour « Cluses maintenant » et Kevin Chaleil Dos Ramos pour « Annemasse Renouveau ».
Certains commentateurs s’étonnent des difficultés du RN à constituer des listes municipales. Il y a un manque évident de bases militantes, mais cela est secondaire pour l’extrême droite. Car ce qui compte pour elle ce n’est pas de changer la vie quotidienne à la base, mais de rabattre vers le nationalisme « ni droite, ni gauche ».
Par conséquent, ce qui doit attirer l’attention, ce n’est évidemment pas les candidatures locales mais leur écho dans la stratégie nationale du parti. Lors de la « Convention du Rassemblement National pour les municipales » début janvier 2020, Marine Le Pen déclarait :
Nous entrons dans une séquence territoriale qui va durer un an. Municipales le 15 mars, puis départementales et régionales en mars 2021. N’en doutons pas, ce sont là les étapes qui peuvent, qui doivent conduire le peuple au pouvoir
Il est donc hors de question de réfléchir en vase-clos, en isolant l’enjeu communal de son lien avec l’actualité nationale. L’élection municipale fait partie du maillage politique du pays.
Que feront les maires « apolitiques » si Marine Le Pen accède au pouvoir en 2022, avec disons par exemple, Eric Zemmour au ministère de l’éducation nationale ?
Il est donc bien stupide de jouer à la dépolitisation des enjeux. Lors du débat TV8 Mont-Blanc et le Dauphiné Libéré, à la question « est-ce que vous trouvez que le RN n’a pas sa place ? » voici les réponses :
Il n’y aura pas de front, comme on dit on appelle ça le « front républicain ». Mais de quel droit je vais m’opposer contre quelqu’un ? Si je ne suis pas bon, je vais me rhabiller tout simplement » Jean-Philippe Mas, Aimons Cluses (divers droite)
Je partage le constat que la présence de monsieur Aoun est tout à fait légitime dans le paysage politique français, le Rassemblement National a sa place. Sinon, s’il n’avait pas sa place, il serait interdit et ce n’est pas le cas (…) Claude Ruet, Cluses, portons demain (divers droite)
Ce syllogisme des candidats de droite est le niveau zéro de la politique. Ce n’est pas parce qu’une organisation ou un parti est légal qu’il est légitime.
Faut-il rappeler l’affection portée par Dominique Martin, le conseiller du RN à Cluses, au groupe d’ultra-droite « Génération Identitaire » ? Ou l’admiration de Monsieur Aoun au site « Riposte laïque », dont les responsables ont été condamnés plusieurs fois pour « incitation à la haine raciale » ?

Cette absence de lucidité démocratique de la part de la Droite révèle son rôle dans la banalisation de l’extrême droite. Pourtant, s’il y a un risque d’un score élevé pour le RN, c’est bien à Cluses.
Non pas que Karl Aoun soit doué d’un charisme et d’une démarche politique solide, mais parce qu’il se pose en canal historique de Dominique Martin, et que l’absence de la Gauche va se payer par une plus forte abstention.
Or, lors des élections municipales de 2014, monsieur Martin arrivait en tête du premier tour avec 31,4 % des voix, avec encore 37, 9 % au second tour contre 41 % pour le défunt Jean-Louis Mivel, divers droite.
Les candidatures du RN à Sallanches, Cluses et Annemasse doivent ainsi être jugées en fonction de ce qu’elles incarnent politiquement. Quel que soient leurs scores, elles sont un jalon posé pour l’accession de Marine Le Pen au pouvoir présidentiel en mai 2022.