Les récentes attaques de loups dans les alpages du Mont-Blanc ont suscité de vives polémiques sur les réseaux sociaux. Elles doivent favoriser un véritable débat démocratique sur la relation souhaitée entre la vie sauvage et le pastoralisme.
Le pastoralisme est une technique agricole qui remonte à l’antiquité et qui consiste à déplacer des troupeaux (ovins, bovins, caprins) pour faire porter la pression que représente la nourriture des bêtes sur différents espaces ; dans les Alpes, la transhumance consiste principalement à utiliser la moyenne montagne comme une ressource agricole pour l’élevage.
Cette pratique est en net déclin depuis le siècle dernier, à tel point que l’on peut apercevoir lors de randonnées dans les villages de moyenne altitude des panneaux témoignant notamment de la disparition des « remues d’alpage ».
Le regain d’intérêt pour cette activité résulte en fait d’une politique de soutien public en lien avec l’industrie touristique et d’un attrait existentiel de néo-ruraux pour ce métier.

Le récent dossier déposé auprès de l’UNESCO pour classer la transhumance et le pastoralisme comme « patrimoine immatériel » relève d’une offensive visant à pérenniser économiquement une activité qui empiète sur des zones sauvages.
Les zones d’estives sont effectivement le résultat d’une longue activité humaine et agricole et sont devenues de vastes prairies. Dans cette continuité, les défenseurs considèrent la moyenne montagne comme une « ressource ». Le pastoralisme se justifie selon eux par le maintien de « paysages ouverts » aidant par ailleurs à entretenir les pistes de ski l’été.
Cette manière d’aborder le sujet en dit long sur la mentalité qui préside parmi les défenseurs de l’activité pastorale : il s’agit de défendre une activité pour les bénéfices qu’elle offre à l’homme, sans égard à la collectivité naturelle dans son ensemble.
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Maintenir des zones artificielles en moyenne montagne pour la production de viande ou de lait ne correspond plus aux besoins actuels. Et défendre cette activité au nom des « paysages » relève d’une approche technicienne anthropocentrée qui ne correspond pas à l’impérieuse nécessité de reconnaitre et de protéger la Biosphère.
La moyenne montagne n’est pas un « paysage » qui n’existerait que comme tableau de contemplation pour l’homme : c’est surtout un écosystème où vivent en relation des animaux, des plantes, des bactéries.
Le pastoralisme comme toute activité modifie le milieu et fait reculer la vie végétale, animale qui a également droit à sa place. Le conflit avec le loup n’est que l’aspect le plus visible de l’impact du pastoralisme en montagne : avec les troupeaux, c’est toute une partie de la vie sauvage qui est chamboulée, cela d’autant plus qu’il est un support à l’industrie touristique hivernale.
En ce sens, le pastoralisme doit être rangé au musée afin d’être valorisé comme témoin d’une pratique populaire liée à un mode de vie révolu, dans la même démarche que le classement des fermes paysannes typiques dans la plaine de Passy.
Un vaste mouvement populaire doit d’emparer de cette question et soutenir des productions harmonieuses avec la nature, notamment par la sauvegarde d’espaces sanctuarisés pour la vie sauvage : pour le loup, et pour toute la vie végétale et animale qui s’y déploie lorsque l’homme recule.