Depuis notre article sur l’imminence d’un plan « social » à l’usine de production de ski Dynastar à Sallanches, beaucoup de choses se sont passées.
Notre précédent article a eu le mérite d’agiter les consciences en dehors de « ron-ron » quotidien de l’usine.
A tel point d’ailleurs que certains ouvriers, peu habitués à faire face à ce type de discussions au coeur des ateliers, en sont venus à réprimer des personnes ayant mis en ligne notre article sur leur réseau social. Le patron peut dormir tranquille : certains ont oublié ce que signifiait la conscience de classe !
>> voir aussi : Dynastar : des licenciements massifs ?
Dans tous les cas cet article a au moins permis de mettre les choses au clair en armant, au moins partiellement, l’état d’esprit des travailleurs avant l’officialisation du plan social. L’effet de surprise recherchée par la direction a ainsi été désamorcé.
Lundi 21 septembre a eu lieu une seconde réunion entre les délégués du personnel élus au CSE (conseil social et économique) et la direction du groupe Rossignol représentée par Jean-Laurent Nectoux et Christine Kechichi. A l’issue de cette réunion, l’information quant au nombre de postes supprimés a enfin été divulgué : 61 postes sont supprimés, dont 41 d’ouvriers, le reste étant dans les bureaux.
Pour les élus du CSE, composés en partie des délégués syndicaux CGT, la stratégie est toute rodée : il faut communiquer envers les médias afin de faire du bruit autour des licenciés. C’est la stratégie de la mise en scène médiatique, et ensuite politique en interpellant le maire de Sallanches Georges Morand ainsi que le préfet de Haute Savoie.
Mise en œuvre depuis de nombreuses années par la CGT, c’est une logique qui dépend du rythme imposé par les institutions de l’entreprise et fondée sur un style de négociation de type co-gestion.
A ce titre, remarquons que les banderoles accrochées devant l’usine ont été réalisés par des cadres des bureaux, sans concertation aucune avec les ouvriers des ateliers.
Si donc cette stratégie se comprend de part la nature même du CSE dans lequel sont investis les syndicalistes, il n’en reste pas moins vrai qu’elle laisse de côté dans un premier temps les ouvriers de base. De ce point de vue, il n’est pas étonnant qu’une certaine rancoeur se soit emparée chez ces derniers apprenant les licenciements…dans les médias.
Il existe pourtant des outils légaux comme l’ « heure d’ information syndicale » qui offre cette possibilité d’informer directement les ouvriers. Mais cela demande de regarder ailleurs que simplement dans les institutions de l’entreprise.
C’est sur la base du « vide » d’information et de l’effet « coup de massue », que des initiatives autonomes de collage d’affiches, plus ou moins revendicatives, ont fleuri dans l’usine. On a également senti une émulsion au sein des ouvriers, avec beaucoup plus de discutions à la fois plus longues et plus sérieuses.
Dans ce contexte de tensions, la direction a embauché un vigile posté à l’entrée du bâtiment toute la journée. Officiellement, cette manœuvre est supposée empêcher les journalistes de rentrer mais officieusement, c’est bien la crainte d’un éventuel débordement ouvrier qui justifie cette mesure répressive.
Dans ce climat miné par la confusion de l’information, les agissements répressifs de la direction et l’absence d’une réelle vie démocratique dans les ateliers, un groupe d’ouvriers s’est organisé pour rédiger et organiser la distribution d’un tract appelant à débrayer une heure le lundi 28 septembre lors d’une troisième réunion entre le CSE et la direction.
Malgré un travail de découragement exercé par quelques éléments pensant plus judicieux d’attendre les consignes officielles du syndicat, cette initiative autonome a été suivie par une dizaine de personnes.
De part le courage d’oser sortir du carcan des institutions, une telle action mérite d’être saluée. Elle a d’ailleurs obligé la direction à annoncer le lendemain aux ouvriers concernés ce qu’ils pressentaient, c’est-à-dire la délocalisation à l’usine d’Artes, dans la banlieue de Barcelone en Espagne, des ateliers de préparation des éléments et de la sérigraphie.
Depuis ce débrayage du 28 septembre, les ouvriers attendent un appel syndical pour se mobiliser, faute de quoi l’autonomie ouvrière se devra de prendre en main les choses. Car quoi qu’il en soit, il est nécessaire que les travailleurs discutent de leurs besoins et qu’ils échangent de manière concertée des perspectives d’organisation.
Que cela soit selon le rythme du syndicat ou dans une forme autonome spécifique, seule la mobilisation massive et organisée des travailleurs pourra leur faire décrocher un départ digne d’une entreprise qui s’est construite sur leur santé physique et mentale.