A propos de l’étalement urbain dans la vallée de l’Arve


Vie quotidienne / vendredi, janvier 29th, 2021

Lorsque l’on vit dans la vallée, on se rend vite compte de l’énorme croissance des résidences, des axes routiers, des zones industrielles et commerciales. Or, si l’on devait pointer du doigt une chose qui agit comme catalyseur de la pollution, c’est bien l’étalement urbain.

L’étalement urbain est-il un phénomène relevant du hasard, d’une surpopulation anarchique ou bien le fruit d’une logique essentielle au système économique en place ?

A première vue, on serait tenté par dire que c’est la surpopulation qui engendre le phénomène mais en fait, ce serait en rester à la surface du problème.

Car s’il y a bien une sur-concentration de gens dans une vallée limitée, alors même que d’autres régions françaises sont dépeuplées, cette « surpopulation » locale n’a rien de « naturelle » mais est liée aux inégalités entre classes sociales.

En effet, l’étalement urbain de la vallée est l’expression d’une double pression par en haut et par en bas.

Par « en haut », avec les stations de ski qui drainent toujours plus une haute bourgeoisie cosmopolite achetant des chalets et des appartements en résidence secondaire.

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En 2010, on estimait que sur les 63 000 logements dans le pays du Mont-Blanc, 34 000 étaient du secondaire, avec pour conséquence la flambée du prix du m2 (7 000 euros en moyenne contre 2 900 en Auvergne Rhône-Alpes).

De fait, les ménages les plus modestes viennent vivre dans le fond de vallée (Sallanches, Passy, Cluses…) avec pour conséquence une intense activité immobilière, jouant à la spéculation, avec de nouvelles résidences et des pavillons qui poussent comme des champignons, un peu partout et un peu n’importe comment d’ailleurs.

Par « en bas », avec l’attractivité de Genève qui attire toujours plus de travailleurs de toute la France, appâtés par les salaires mirobolants offerts par l’ogre financer Suisse.

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Entre 2011 et 2017, le canton de Genève a enregistré 15 200 travailleurs frontaliers supplémentaires, faisant monter à 104 300 le nombre de frontaliers travaillant à Genève, soit plus de 30 % de la main d’œuvre genevoise.

On a alors l’explosion de terrains viabilisés et de construction de maisons individuelles, notamment dans le bas de la vallée entre Bonneville et Annemasse.

Plus on descend dans la vallée, plus on a de propriétaires de maisons. Plus en monte en altitude, plus on a des logements secondaires. Quelle place pour l’habitat collectif, et donc écologique ?

A la pression démographique s’ajoute donc surtout la pression sociale, au sens d’une emprise du territoire par les couches les plus riches, partagées entre une haute bourgeoisie cosmopolite et des travailleurs frontaliers aliénés, rêvant du style de vie de la première.

Depuis quelques années, la vallée se prépare à accueillir toujours plus de nouvelles personnes qui tentent de se rapprocher de la Suisse, mais aussi d’emplois plus abondants, tentées par la perspective de construire sa maison quitte à fermer les yeux sur une vie monotone et un environnement pollué.

Car il faut bien voir qu’en participant à l’artificialisation des sols, l’étalement urbain prive la Biosphère de ses propres outils de dépollution, comme par exemple ceux pour filtrer les particules fines.

Outre les arbres supprimés, ce sont principalement les zones humides qui jouent un rôle central pour l’équilibre des écosystèmes, avec de multiples capacités à dépolluer. Les eaux d’abord, donc les sols, mais aussi l’air.

En 2020, nous avons déjà identifié – ce qui est donc non exhaustif – cinq zones humides sacrifiées par un projet immobilier, une route ou une zone industrielle ou commerciale.

Au-delà des zones humides, ces dernières années, on assiste réellement à l’engloutissement de tout espace de nature, que ce soit à Sallanches, Cluses, Scionzier ou Marnaz, où lotissements et résidences se construisent de parts et d’autres, accompagnés par de nouveaux commerces, de nouvelles routes….

Quelle absurdité sociale lorsqu’on sait le nombre de résidences secondaires peu occupées à l’année, sans parler des logements vacants.

Au bout de compte, on se demande quel est l’horizon de vie proposé : la réussite individuelle superficielle, construite dans une vallée sans grande attractivité sociale et culturelle, doit-elle se bâtir dans un environnement qui se détériore à vue d’œil ?

Doit-on accepter passivement le fait que Genève concentre les véritables perspectives culturelles ? Que la vallée de l’Arve se transforme en un simple réservoir de travailleurs frontaliers ? Qu’elle devienne un espace de consommation aseptisé, appelé trivialement « zone de chalandise » ?

Mais c’est bien là qu’intervient l’aspect positif si l’on peut dire cela ainsi, de la crise économique ouverte par le covid-19 : entre le crash des stations de ski et la dégringolade de l’économie genevoise, il y a une brèche qui s’ouvre.

Cette brèche, c’est celle qui peut nous faire bifurquer vers un nouvelle société : voulons-nous nous relancer dans une vie monotone dans un environnement pollué où seul l’accumulation de richesses privées compte ou bien nous émanciper en construisant une vie riche et collective dans un cadre de vie harmonieux ?

2 réponses à « A propos de l’étalement urbain dans la vallée de l’Arve »

  1. Super gentil, tout cela !, mais la protection des zones humides ne permet pas trop aux non-riches de pouvoir se loger….Vouilloux avec son environnement particulier, mais des charges énormes ( on se demande pourquoi, vue la qualité de l’habitat ?) ou les autres secteurs, avec des prix au mètre carré s’envolant ? Donc : allez habiter ailleurs, nous privilégions les espaces humides, plutôt que développer une offre immobilière… À part ça, pas d’objection ??

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