La transparence quant à la composition nutritionnelle des aliments est une exigence démocratique et populaire. Et les produits locaux ne doivent pas y échapper.
Depuis 2016, de nombreux aliments sont étiquetés d’un nutri-score allant de la lettre A à E afin d’orienter le consommateur vers des aliments moins gras, moins salés et moins sucrés. Bref, des aliments plus sains.
Cette approche des choses relève d’une vision individualiste-libérale comme qui veut que la responsabilité de sa santé ne repose pas sur la production mais sur le consommateur, qui doit faire de « bon choix » à condition d’être « éclairé ». Si cette approche ne remet pas en cause l’agrobusiness, le nutri-score a toutefois le mérite de poser d’ouvrir une porte : celle de l’envers du décors de l’industrie agroalimentaire.
Malgré son approche étroite de la qualité des aliments (il ne tient pas compte des additifs alimentaires), le nutri-score est une petite fenêtre ouverte contre le voile obscure qui enveloppe notre alimentation, et cela va dans le sens d’un débat démocratique à ce propos.
Cette exigence démocratique se mesure également au grand nombre d’utilisateurs de l’application Yuka et prend tout son sens alors que l’étiquette du « nutri-score » va devenir obligatoire à l’horizon 2023 pour tous les produits pré-emballés.
Dans ces produits, on retrouve par exemple des fromages tel que le Reblochon, avec un très mauvais nutri-score (D ou E) en raison de la teneur élevée en graisses saturées, et dans une moindre mesure en sel.
Il suffit de comparer les choses : un « cheeseburger » de la maque Charal est noté « D » tout comme un Reblochon. Si le « cheeseburger » contient plusieurs aditifs nocifs, il est toujours moins gras (14g de matières grasses pour 110g) que le Reblochon (27g pour 100g). Mais même au niveau aditif, on peut trouver dans certains Reblochons de la Norbixine de rocou (E160b) pour rendre la croute orangée. Ce colorant est considéré comme douteux au plan sanitaire, avec bien peu d’études réalisées sur sa toxicologie.

A l’opposé de cette question démocratique, on voit les intérêts réactionnaires s’insurger : la « mal-bouffe » ce serait les aliments industriels mais surement pas le terroir français.
Voici ce qu’a dit Loïc Hervé, sénateur centriste de droite de Haute-Savoie, lors d’une demande écrite en avril 2021 au Ministre de l’agriculture et de l’alimentation, se posant en véritable lobbyiste des intérêts du Reblochon :
L’apposition d’un logo nutri-score D ou E sur ces produits dénature ou altère la définition même des labels AOP et IG, alors qu’ils sont l’expression d’un terroir et d’un savoir-faire ancestral et unique sur une zone géographique donnée. Au regard des impacts considérables du nutri-score sur le territoire des montagnes, il lui demande donc d’examiner avec bienveillance la possibilité d’une adaptation au système nutri-score pour les produits sous indications géographiques AOP et IGP.
L’industrie du Reblochon représente une telle manne financière pour les exploitants mais aussi indirectement pour le tourisme, qu’il faut à tout prix escamoter la future note du nutri-score. Même « La banque des territoires » a volé au secours des fabricants fromagers. Dans un article du 21 octobre, la banque reprenait les propos de Marie-Louise Donzel, la vice-présidente du département de Haute-Savoie et productrice de reblochon dans les Aravis :
Les fromages de brebis comme le roquefort sont tout particulièrement sur la sellette, compte tenu de leur forte teneur en sel. […] C’est pour elle « une épine bien profonde » dans le pied de ces producteurs qui ont déjà des difficultés pour trouver de la main-d’œuvre, a-t-elle expliqué.
Dans le même esprit, Sébastien Breton, président de l’AFTAlp, le syndicat de défense des fromagers de Savoie, a fait une demande cet été d’ « exemption » du nutri-score pour les fromages AOP/ AOC.
Au nom du terroir, au nom des traditions, rien ne devrait être questionné. Pourtant, en tant qu’aliment très gras issu d’une alimentation traditionnelle elle-même grasse, le reblochon est problématique du fait de sa participation au cholestérol, et donc à des maladies cardiovasculaires.
Si la question de la santé publique semble peu intéresser les agriculteurs et leurs relais de la Droite, il n’en reste pas moins que la transparence sur l’alimentation est une demande légitime de la population. Une demande qui doit être soutenue, approfondie et élargie, y compris aux produits locaux, fussent-ils traditionnels.