Avec la confirmation fin novembre que la souche de brucellose qui a contaminé une vache laitière d’un élevage du Bargy était la même que celle présente chez les bouquetins dans le même massif, c’est tout le monde agricole qui s’enrage. Au détriment du débat démocratique à propos de la protection de la vie sauvage…
Ce lundi 29 novembre, ce sont près de 250 agriculteurs, accompagnés de chasseurs et de membres du syndicat du Reblochon, qui sont venus manifester à Annecy devant la préfecture à l’appel des organisations réactionnaires agricoles, la FDSEA et les Jeunes Agriculteurs.
Devant des banderoles montées sur des tracteurs « Ministre de l’environnement = eco-terroriste », « gestion du Bargy, gestion d’abrutis, gestion de Pompili », les manifestants ont écouté les revendications de Bernard Mogenet, président de la FDSEA des Savoie.
>> Voir aussi : Pour du fromage au lait cru, la préfecture va abattre des centaines de vaches
Dont celle de l’abattage total des bouquetins avec la demande d’un arrêté préfectoral pour le 15 janvier allant en ce sens, pour une mise en application au printemps 2022. Une demande qui s’est accompagné d’un coup de pression au style mafieux :
Nous la position qu’on a porté avec nos collègues elle a été claire : tous ceux qu’on est réuni [sic] aujourd’hui, je pense que, on l’a dit clairement au préfet, on s’est équipé pour se défendre contre le loup, on saura aussi s’en servir pour faire le ménage dans les bouquetins si l’Etat est pas capable de le faire [vifs bruits de cloches]
Ces propos outranciers se sont ensuite matérialisés par une opération coup de poing contre le siège de la FNE Haute-Savoie à Pringy, les manifestants y déversant du lisier, des pneus et de la paille.
Ce petit monde minoritaire de l’élevage joue ainsi la pression contre le peuple. Quoi qu’ils en disent, il y a bien eu la naissance après 2012 d’une opinion publique acquise à la défense des bouquetins. Pour s’en convaincre, il suffit de voir qu’en 2020, le tribunal administratif de Grenoble avait d’ailleurs suspendu ces tirs après des recours des associations environnementales.
Une décision judiciaire qui enrage d’autant plus les éleveurs qu’Emmanuelle Wargon, la ministre délégué auprès du Ministère de la Transition écologique, a rappelé dans une réponse à une question de la député d’Annecy LREM Véronique Riotton ce mardi 23 novembre, la volonté de « maintenir la population sauvage de bouquetins ».
Car les gens préférons toujours la beauté de la vie sauvage aux élucubrations du front des chasseurs et des éleveurs. Des élucubrations qui reflètent leur rapport moribond à la vie sauvage. Bien loin des images d’Epinal sur le « terroir », les éleveurs de vaches laitières sont des capitalistes comme les autres qui trafiquent, manipulent, sélectionnent le Vivant comme bon leur semble.
Pour preuve, c’est autre revendication énoncée à la manifestation par le même Bernard Mogenet :
« [Nous demandons à] préserver le travail génétique qui a été fait dans cet élevage depuis plus de 60 ans, pour pouvoir refaire des embryons. [Pour que] ces embryons ils soient congelés, et que tous les animaux quand ils seront abattus, ils devront être contrôlés et si les animaux sont sains qu’on puisse réutiliser ces embryons pour la suite et ne pas perdre la totalité de la génétique de ce troupeau »
>> Voir aussi : l’écologie ne peut pas ignorer le véganisme
Ces gens ne voient les animaux que comme du matériel d’exploitation.
Auraient-ils songer un seul instant à se mobiliser pour éviter l’abattage des 219 vaches de l’exploitation contaminée et proposer une prise en charge par l’isolement ? Ces gens disent-ils que la brucellose est une maladie bénigne pour les bouquetins ? Rappelleront-ils que le bouquetin avait disparu à la suite d’une chasse intense jusqu’aux années 1960, époque d’un effort de réintroduction de l’espèce ?
Non évidemment pas, car tout ce qui compte, c’est de produire et vendre des fromages au lait cru et tout ce qui peut être un obstacle à cette manne économique doit selon eux sauter. Cela rappelle ici la polémique récente quant au nutriscore bientôt obligatoire pour le reblochon, qui a pareillement provoqué l’ire des éleveurs.
Une chose est donc certaine : dans un tel contexte, à l’approche du printemps 2022, la vigilance des amoureux des bouquetins est de mise et il va s’agir de préparer d’ors et déjà le terrain pour une défense populaire de ces animaux sauvages ayant droit de vie ici.