Le projet de télécabine reliant Magland à Flaine a subit le revers de la crise générale du capitalisme.
Il y a un peu plus d’un an, en avril 2021, alors qu’un concessionnaire avait été retenu pour construire et gérer le funiflaine, nous disions que
Bien que le projet funiflaine existe depuis des années, il est évident que le coup d’accélérateur répond à la perspective de relancer coûte que coûte une économie touristique mise à l’arrêt lors de cette saison blanche 2020-2021. Que le Crédit Agricole des Savoie soit partie prenante de l’opération ne laisse nul doute quant aux objectifs de cette future remontée mécanique : il faut remettre de l’huile dans la machine à profits.
Avec l’annonce officielle faite par le syndicat funiflaine ce 17 mai 2022 de l’abandon du projet, il est clair que les magnats de l’or blanc se heurtent à leur propre obstacle : le capitalisme en crise. La raison de l’abandon du projet est une double conjonction de choses, que sont les retards administratifs et techniques combinés à la hausse du prix des matières premières.
Ces deux choses relèvent en fait d’un même problème, celui de la désorganisation économique et sociale suite à la pandémie de Covid-19. Avec un projet au départ évalué aux alentours de 80 millions d’euros (hors taxes) pour finir en 2021 à 100 millions, l’inflation due à la crise économique et aux retards cumulés aurait porté le projet à pratiquement 150 millions d’euros, voir plus.
C’est maintenant la société qui va devoir payer les indemnités et autres compensations que vont réclamer les monstres financiers concessionnaires de l’infrastructure que sont Poma, le Crédit Agricole, la Compagnie des Alpes et l’ATMB.
Mais qu’il est stupide et irresponsable de dire comme le sénateur Loïc Hervé qu’« en fait, le Funiflaine, ce n’est ni la faute à Voltaire, ni la faute à Rousseau, c’est la faute à Poutine »… Au-delà d’alimenter les passions nationalistes, c’est cacher le fait que l’inflation des matières premières remonte à bien avant la guerre en Ukraine, et se situe dans l’arrêt puis la reprise anarchique et inégale des chaines de production dans le cadre de la pandémie de Covid-19.
Alors, évidemment la guerre en Ukraine ne fait qu’accentuer les circuits d’approvisionnements mondiaux, notamment en acier, zinc, aluminium, et tous les autres matériaux si essentiels aux chantiers de construction.
Une guerre qui rappelons-le, ne tombe pas du ciel, mais est aussi le résultat de la désorganisation des capitalismes nationaux, alors poussés à l’expansionnisme militaire pour maintenir leurs sphères d’influence. Comme dit sur agauche.org, ce n’est pas le covid puis la guerre, mais le covid donc la guerre.
Mais le problème de l’abandon du funiflaine n’est pas qu’économique. Lorsque l’on parle de crise générale, il faut bien avoir en tête ici non pas simplement la dimension économique (inflation) mais également la désorganisation sociale et politique.
Ce qui semble apparaître, ce sont des notables qui se seraient retrouvés coincés face à un projet qui était loin de faire l’unanimité, surtout à Magland. Ainsi l’acquisition des terrains pour accueillir la gare de départ au niveau de la sortie du village n’avait pas été effectué, car cela était un sujet brûlant.
On peut penser que les retards administratifs évoqués par le président du Conseil départemental, Martial Saddier relèveraient en fait de ces difficultés à exproprier et reclasser les propriétaires des terrains (individuels et industriels) pour réaliser la gare de départ ainsi que l’immense parking adjacent.
De fait, lorsque des communiqués médiatiques triomphants étaient publiés entre 2018 et 2021 sur l’imminence du projet, cela n’était qu’une affaire de communication pour faire plier l’opinion publique devant un fait présenté comme accompli.
À cela s’ajoute le fait que la mise en place de l’enquête publique entre 2022 et 2023 aurait été une véritable bataille publique, engageant toujours plus retards pour les porteurs du projet car soulevant une opinion publique y étant opposée.
L’abandon du funiflaine illustre en quoi les bases de l’ordre dominant sont vacillantes, car c’est le capitalisme qui s’est pris les pieds dans le tapis. Ce mode de production n’a plus la capacité d’assurer tranquillement l’élargissement de sa sphère d’action et se trouve confronté aux conséquences de sa propre évolution anarchique.
Si cet abandon est une bonne nouvelle pour les habitants de Magland et la tranquillité de la faune sauvage, il doit interpeller sur le fait que ce recul n’a pas eu lieu directement à la suite d’une mobilisation populaire mais par la fragilité même du système capitaliste.
Et un capitalisme fragilisé sans regain de mobilisation populaire pour construire le socialisme, c’est autant d’appels d’air pour une reprise agressive, car jamais un ordre ancien ne s’est effondré par lui-même…